Se relaxer, c’est pas pour Moi!

Nos esprits vagabondent 47% du temps, mais c’est justement cette incapacité à rester dans l’instant qui rend la relaxation si difficile pour beaucoup. Pourtant, de nombreuses études montrent que le fait de prendre du temps pour se détendre améliore la productivité sur le long terme.

Pourquoi se relaxer peut être si difficile ?

Le stress, pour beaucoup, est comme une vieille paire de chaussures. Elles ne sont pas forcément les plus confortables, mais on les connaît bien, on les a portées longtemps, et on sait à quoi s’attendre. Le stress est donc familier. Il crée une impression d’activité, de contrôle, et parfois même de productivité. Et pour certain(e)s, être stressé(e) est devenu un mode de vie.

Dans son livre Why Zebras Don’t Get Ulcers1, Robert M. Sapolsky explique que les zèbres ne ressentent de stress que lors de situations de vie ou de mort (par exemple, éviter d’être dévoré par un lion). Contrairement aux zèbres, les humains ont la capacité unique de s’inquiéter constamment pour tout. Nous nous stressons pour des réalités fictives, des problèmes qui ne sont pas encore là, ou des situations passées que nous ne pouvons plus changer. Alors que les zèbres relâchent leur tension dès que le danger est écarté, nous autres humains, nous accrochons volontiers à ce stress, le transformant en notre compagnon quotidien. En fait, le stress devient pour beaucoup un symbole de valeur. En effet, selon une étude réalisée par Schieman et Young (2015), de nombreux individus associent le stress à une haute performance. Pour eux être stressé, est la preuve qu’ils sont importants, qu’ils travaillent dur, qu’ils sont productifs. Il est ironique de constater que, même lorsque le stress est clairement contre-productif, il confère un certain prestige social, car il est perçu comme la preuve d’un emploi du temps bien rempli.

La productivité comme valeur suprême : “Pourquoi perdre mon Temps à ne rien faire ?”

Vous avez sûrement déjà entendu la phrase “Je suis trop occupé(e) pour me détendre” ? Dans nos sociétés modernes, nous sommes souvent conditionnés à penser que la productivité est la clé d’une valeur personnelle. Si vous n’êtes pas en train de “faire quelque chose de productif”, vous gaspillez votre temps, n’est-ce pas ? Nous élevons le “faire” à une vertu suprême. Le temps est devenu une marchandise précieuse, et chaque seconde consacrée à la relaxation est perçue comme une perte d’opportunité. Être en train de se détendre est parfois assimilé à être paresseux, ou pire, à manquer d’ambition. Se relaxer est pour beaucoup, associé à de l’inactivité, voire à de la paresse.

L’habitude d’être stimulé en permanence

Aujourd’hui plus que jamais, chaque minute de silence semble être une minute gaspillée. Nos cerveaux sont habitués à être constamment stimulés – par nos téléphones, nos collègues, nos responsabilités. La simple idée de “ne rien faire” crée un malaise, car elle ne correspond pas à la norme culturelle de la stimulation constante. Selon une étude menée par Killingsworth et Gilbert (2010), nos esprits vagabondent 47% du temps, mais c’est justement cette incapacité à rester dans l’instant qui rend la relaxation si difficile pour beaucoup. Pourtant, de nombreuses études montrent que le fait de prendre du temps pour se détendre améliore la productivité sur le long terme. Les personnes qui ne prennent pas le temps de récupérer finissent par voir leur corps et leur esprit s’épuiser. Le cortisol, cette hormone du stress, devient toxique lorsqu’il est présent de manière prolongée dans notre corps, et finira par affecter nos fonctions immunitaires, digestives, et même cognitives.

La peur de perdre le contrôle

D’autre part, la relaxation est souvent vécu comme un abandon de contrôle. Pourtant, le stress chronique est précisément ce qui nous fait perdre le contrôle de nos émotions et de notre santé. Il est difficile de se convaincre que baisser sa garde est bénéfique. Après tout, être en alerte semble bien plus approprié quand on pense devoir “combattre pour survivre”, même s’il ne s’agit que de répondre à des courriels.

Il y a quelque chose d’effrayant à l’idée de se détendre et de “lâcher prise”. Pour beaucoup, être constamment stressé est une forme de contrôle sur la vie et ses imprévus. Lâcher le contrôle, même pour quelques minutes, est angoissant. Comme si, soudain, nous devenions vulnérables face aux dangers qui nous entourent.

Nous le savons, le stress, était à l’origine une question de survie. C’était l’état d’alerte nécessaire à nos ancêtres pour fuir les prédateurs. Aujourd’hui, cette réaction est souvent activée non pas pour fuir des prédateurs (des lions ou des ours dangereux), mais par des emails, des factures, ou des conversations difficiles. Notre corps ne sait plus faire la distinction entre dangers réels et ceux que nous imaginons, ce qui nous pousse à maintenir un état d’hypervigilance qui finit par nous épuiser.

Le silence… Trop bruyant

Essayons de visualiser ceci : vous vous allongez, fermez les yeux, commencez à respirer profondément, et soudain… Plus rien. Plus de téléphone, ni de musique, rien que le silence. Pour beaucoup, cela ressemble à une expérience terrifiante, presqu’une forme de torture douce. Rester seul(e) avec leurs pensées est difficile. C’est ce que confirme une étude étude surprenante menée par Wilson et al. en 2014, qui démontre que certaines personnes préférent recevoir un choc électrique douloureux plutôt que de rester seules quelques minutes, sans distractions, avec leurs pensées pour seule compagnie.

Pour les réfractaires à la relaxation, le vide est perçu comme un gouffre menaçant. La méditation ou la relaxation amène à l’introspection, et cette introspection fait émerger des pensées et des émotions enfouies. Cela peut être extrêmement inconfortable, surtout si ces pensées sont liées à des événements stressants ou non résolus.

Le mythe de la relaxation pour les “Mous”: Les Guerriers Modernes

Le stéréotype du guerrier moderne est un obstacle considérable pour la relaxation. Dans de nombreuses cultures, le stéréotype de la personne “endurcie”, capable d’affronter tous les défis sans jamais faiblir, est glorifié. Pour ceux qui adoptent ou glorifient ce stéréotype, se relaxer, revient à abandonner le champ de bataille. La relaxation est parfois perçue comme une “faiblesse”. L’idée bien sûr éronnée laisse entendre qu’elle est réservée aux personnes qui ne peuvent supporter la pression. Mais la science est claire : ceux qui savent se détendre, et donc gérer leur stress, sont souvent plus résilients et plus productifs à long terme2.

Les habitudes bien ancrées : la difficulté à changer: Le cercle vicieux du stress

Enfin, il y a la simple habitude. Pour beaucoup, être constamment actif(ve) est devenu une seconde nature. Le stress qui s’y associe, est devenu une habitude, et comme toute habitude, il est difficile de la changer. Notre cerveau est une machine à habitudes. Les personnes stressées sont souvent bloquées dans un cercle vicieux : elles se sentent mal à l’aise à l’idée de se relaxer, car c’est une expérience qu’elles n’ont jamais ou que très rarement vécue. Se relaxer est une habitude qui s’acquiert avec l’apprentissage et le temps, le même temps qu’il nous a fallu pour prendre l’habitude du stress qui envahit notre quotidien.

Conclusion : embrasser la relaxation, petit à petit

Pour ceux qui n’aiment pas se relaxer, la clé est d’y aller progressivement. Se forcer à “ne rien faire” peut sembler contre-nature, voire menaçant. Mais avec des petits exercices ludiques et réguliers, la relaxation peut devenir plus accessible et moins intimidante. Accordons nous sur un point: “, se détendre n’est pas un signe de faiblesse, mais bien un acte de courage”. Si l’on arrive tout simplement à se moquer avec bienveillance de cette résistance à la relaxation, peut-être que, petit à petit, l’idée de se libérer de ses tensions ne semblera plus si mauvaise… ne serait-ce que pour embrasser le monde différemment!

  1. traduction: “Pourquoi les zèbres ne souffrent t-ils pas d’ulcères” ↩︎
  2. (McGonigal, 2015). ↩︎

Relaxation à Lormaison (Oise)